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Affichage des articles du août, 2019

tramway, impériale, appareil enregistreur

"Comment ! vous avez fait le voyage de Hollande et vous n'êtes pas allé à Haarlem ? s'écria la duchesse. Mais quand même vous n'auriez eu qu'un quart d'heure, c'est une chose extraordinaire à avoir vue que les Hals. Je dirais volontiers que quelqu'un qui ne pourrait les voir que du haut d'une impériale de tramway sans s'arrêter, s'ils étaient exposés dehors, devrait ouvrir les yeux tout grands." Cette parole me choqua comme méconnaissant la façon dont se forment en nous les impressions artistiques, et parce qu'elle semblait impliqer que notre œil est dans ce cas un simple appareil enregistreur qui prend des instantanés. M. Proust, Le Côté de Guermantes , Paris, Gallimard, "Folio classique", 2002, p. 506.

Herboriser

Quelque fois quand cela nous embêtait trop d'aller à un thé ou à une matinée, nous partions pour la campagne et il me montrait des mariages extraordinaires de fleurs, ce qui est beaucoup plus amusant que les mariages de gens, et a lieu d'ailleurs sans lunch et sans sacristie. On n'avait jamais le temps d'aller bien loin. Maintenant qu'il y a l'automobile, ce serait charmant. M. Proust, Le Côté de Guermantes , Paris, Gallimard, "Folio classique", 2002, p. 500.

"Zola, un poète ! — Excursus 1

Mais oui", répondit en riant la Duchesse, ravie par cette effet de suffocation. " Que Votre Altesse remarque comme il grandit tout ce qu'il touche. Vous me direz qu'il ne touche justement qu'à ce qui... porte bonheur ! Mais il en fait quelque chose d'immense ; il a le fumier épique ! C'est l'Homère de la vidange ! Il n'a pas assez de majuscules pour écrire le mot de Cambronne." M. Proust, Le Côté de Guermantes , Gallimard, "Folio classique", 2002, p. 483 Cité en note :  "M. Émile Zola croit qu'on peut être un grand artiste en fange, comme on est un grand artiste en marbre. Sa spécialité, à lui, c'est la fange. Il croit qu'il peut y avoir très bien un Michel-Ange de la crotte." J. Barbey d'Aurevilly, Le Roman contemporain , Lemerre, 1902, p. 231-232

transports, colonisation, communications

"Nous avons d'immenses territoires incultes à défricher, des routes à ouvrir, des ports à creuser, des rivières à rendre navigables, des canaux à terminer, notre réseau des chemins de fer. Nous avons, en face de Marseille, un vaste royaume à assimiler à la France. Nous avons tous nos grands ports de l'Ouest à rapprocher du continent américains par la rapidité de ces communications qui nous manque encore". Discours prononcé par le Prince Louis-Napoléon à Bordeaux le 9 octobre 1852 https://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_Bordeaux_du_9_octobre_1852

folle vitesse

Madrid, 30 février. "Voilà, je suis en Espagne ; cela s'est fait si rapidement que j'ai à peine eu le temps de m'y reconnaître. Ce matin, les députés espagnols se sont présentés chez moi, et je suis monté en voiture avec eux. Cette extraordinaire précipitation m'a paru étrange. Nous avons marché à tel train que nous avions atteint la frontière d'Espagne une demi-heure plus tard. D'ailleurs, il est vrai que maintenant il y a des chemins de fer dans toute l'Europe et que les bateaux à vapeur vont extrêmement vite." Nicolas Gogol, Journal d'un fou , Gallimard, "Bibliothèque de la Pléiade", 1966, p. 592.

effondrement de la perspective (Studeny)

  Et, un matin de décembre, elles montèrent dans la carriole de Denis Lecoq qui vint les chercher pour les conduire à la gare, Rosalie faisant jusque-là la conduite à sa maîtresse.   Elles prirent d’abord des renseignements sur le prix des billets, puis, quand tout fut réglé et la malle enregistrée, elles attendirent devant ces lignes de fer, cherchant à comprendre comment manœuvrait cette chose, si préoccupées de ce mystère qu’elles ne pensaient plus aux tristes raisons du voyage.   Enfin, un sifflement lointain leur fit tourner la tête, et elles aperçurent une machine noire qui grandissait. Cela arriva avec un bruit terrible, passa devant elles en traînant une longue chaîne de petites maisons roulantes ; et un employé ayant ouvert une porte, Jeanne embrassa Rosalie en pleurant et monta dans une de ces cases.   Rosalie, émue, criait : — Au revoir, Madame ; bon voyage, à bientôt ! — Au revoir, ma fille.   Un coup de sifflet partit encore, et tout le chapelet de v
"En cinq minutes ce qui était à l'horizon devient le point central d'un autre horizon". Désiré Nisard

l'espace est anéanti

"Quelles transformations doivent maintenant s'effectuer dans nos manières de penser ! Même les idées élémentaires du temps et de l'espace sont devenues chancelantes. Par les chemins de fer l'espace est anéanti, et il ne nous reste plus que le temps. Si nous avions seulement assez d'argent, pour tuer aussi ce dernier d'une façon convenable ! En trois heures et demie on fait maintenant le voyage d'Orléans ; en autant d'heures celui de Rouen. Que sera-ce quand les lignes vers la Belgique et l'Allemagne seront exécutées et reliées aux chemins de fer de ces contrées ? Je sens déjà l'odeur des tilleuls allemands ; devant ma porte se brisent les vagues de la mer du Nord." Heinrich Heine, Lutèce. Lettres sur la vie politique, artistique et sociales de la France , Paris, Lévy, 1855, p. 327.  https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k68453t/f345.image

fin de l'intervalle

3 mercredi [avril 1839]   Parti à sept heures pour Saint-Étienne. Puiseux a voulu nous accompagner. L'omnibus nous mène à l'extrémité de Perrache [...]. Fourvière nous suit longtemps, avec sa belle chaîne, le long de la Saône et les grottes du chemin des Étroits (?) où Rousseau, jeune et pauvre, dormit si bien. Que d'aventures dans ce Lyon à la rencontre des routes et des fleuves ! N'est-ce pas sur un pont de Lyon qu'Agrippa d'Aubigné délibérait s'il se noierait, lorsque la Providence vint à son secours ?   Cependant, nous passons sous les dernières collines de la chaîne, nous perdons de vue Fourvière, nous longeons le Rhône. Les chevaux nous quittent, la machine vient nous remorquer. Vitesse fort modérée, puisqu'on monte à Saint-Etienne en cinq heures (douze lieues). Il n'en faut que trois pour descendre [...] je remarquais à peine, en descendant, que nous n'avions ni machine, ni chevaux, notre poids nous entraînait jusqu'à Rive-de-Gier.